"Le pays de Grasse, c'est la Mecque de la parfumerie !"

Marc-Antoine Corticchiato a fondé sa maison, Parfum d'empire, en 2002. Si son labo est installé à Paris, cet amoureux des plantes a le regard tourné vers le Sud. En direction de la ville de Grasse sur la Côte d'Azur, où il s'approvisionne en matières premières naturelles, et de la Corse, son île natale. Deux de ses créations, Corsica Furiosa et Tabac tabou, ont été élues "meilleure fragrance d'une marque de niche" lors des Fifi Awards, les oscars de la profession. Rencontre.

Les savoir-faire liés au parfum en pays de Grasse viennent d'être inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité par l'Unesco. Quelle consécration !

Marc-Antoine Corticchiato : "Cette reconnaissance est amplement méritée ! Il existe à Grasse des maisons ancestrales, qui détiennent un savoir-faire unique dans la culture des plantes à parfum, leur transformation et la création de parfums. Revendiquer cette expertise et la faire reconnaître, c'est une grande fierté pour tous ceux qui participent à la perpétuation de cette réputation mondiale inégalée."

Y a-t-il encore à Grasse des fleurs produites localement ?

M-A. C. : "Oui, bien sûr. De jeunes agriculteurs ont relancé la culture des fameuses fleurs de Grasse : la rose centifolia, le jasmin, la violette, l'iris, le lys, la tubéreuse, la fleur d'oranger. Mais il est vrai que la plus grande partie de la production vient d'ailleurs. Aujourd'hui, les maisons de Grasse possèdent ou exploitent des milliers d'hectares de champs à travers le monde, en Inde, au Maroc, en Egype, en Indonésie ou à Madagascar. Les plantes sont la plupart du temps transformées sur place. Sauf celles qui supportent le transport comme les résines d'encens ou de myrrhe, les graines, les fleurs séchées."

Vous créez vos parfums dans votre labo parisien. Quelle place occupe Grasse dans votre activité ?

M-A. C. : "Une place essentielle. Grasse possède les meilleures maisons du monde pour s'approvisionner en matières premières naturelles. Avec des catalogues d'une richesse incroyable. Pour fabriquer des parfums, on a besoin de produits qui soient non seulement de très grande qualité, mais aussi constants, reproductibles. Les maisons grassoises détiennent ce savoir-faire. Le pays de Grasse, c'est la Mecque de la parfumerie !"

Vos parfums sont-ils exclusivement produits à partir de matières premières naturelles ?

M-A. C. : "Non, pas du tout. Depuis la fin du XIXè siècle, la parfumerie dite moderne développée par l'Ajaccien François Coty consiste à mélanger des extraits de plantes ou d'animaux et des molécules de synthèse. Ces dernières peuvent soit exister dans la nature comme le menthol ou la vanilline – on parle alors de molécules "identiques nature" – soit être inventées par des chimistes pour créer de nouvelles odeurs. Tous les créateurs utilisent des molécules de synthèse pour agrandir l'orgue à parfums à leur disposition."

Comment vous y prenez-vous pour créer vos parfums ?

M-A. C. "Créer un parfum, c'est raconter une histoire, qui a pour scène la peau. À l'origine de mes créations, il y a souvent une expérience de vie, quelque chose de personnel. J'ai en tête une note olfactive, intellectuelle, que j'essaie de retranscrire sur une feuille. Je pars de quelques matières premières simples, qui vont donner l'âme, le squelette du parfum, son accord principal. Puis j'y mèle des dizaines d'autres. Un peu comme un compositeur de musique, qui a en tête une symphonie qu'il cherche à coucher sur des partitions. Je rentre ensuite ma formule sur ordinateur puis on réalise un échantillon en laboratoire."

À partir de cette formule initiale, faut-il beaucoup d'essais ?

M-A. C. "Des centaines ! Après chaque séance d'olfaction, on modifie la formule. Puis on sent. Puis on compare. Et on recommence, encore et encore. Créer un parfum, ça demande beaucoup de réflexion en amont. Et un énorme travail de tests, en flacon, sur la peau, seul, avec d'autres, pour arriver au parfum final. D'après les spécialistes du cerveau, ceux qui utilisent leur nez au quotidien, c'est-à-dire les œnologues et les parfumeurs, développent des capacités cérébrales très particulières."

Les parfumeurs finissent-ils par se déconnecter des plantes ?

M-A. C. "Certains, oui, mais pas moi ! Avant de fondé Parfum d'empire, en 2002, j'ai longtemps travaillé dans un laboratoire de recherche axé sur l'analyse des plantes à parfum et leurs méthodes d'extraction. Et j'ai aussi fait un détour par l'aromathérapie. Moi, j'ai cette connaissance intime de la plante naturelle. Depuis que je suis môme, le parfum des plantes, c'est ce qui m'intrigue, ce qui me plait, ce qui me fait vibrer."


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